PRO CAUSA DE BEATIFICAÇÃO - PRO CAUSE DE BÉATIFICATION

Agostinho Veloso, sj
l’“avocat du diable”
DANS LE PROCÈS CANONIQUE D'ALEXANDRINA ?

– 1 –

Les prêtres et Alexandrina

« J’avais beaucoup de respect envers les prêtres »[1].

Alexandrina Maria da Costa
1904-1955

Les prêtres qui, de près ou de loin ont tourné autour d’Alexandrina furent nombreux : des jésuites, des salésiens, des bénédictins, des dominicains, des franciscains et d'autres encore, sans compter les curés des diverses paroisses qui la visitaient souvent ; les uns par curiosité ; les autres à la recherche de conseils pratiques ou spirituels.

C’est qu’Alexandrina fut aussi “victime pour les prêtres”, les autres “Christ” sur la terre…

Son premier directeur spirituel  le Père Mariano Pinho  était jésuite et le second  le Père Umberto Pasquale  salésien italien de Don Bosco…

Certains de ces prêtres qui visitèrent Alexandrina ont marqué sa vie d’une façon indélébile : le Père Mariano Pinho, déjà cité, parce qu’il fut son premier directeur spirituel ; le Père Umberto Pasquale, parce qu’il en fut le second ; le Père Terças, parce qu’il publia une relation sur elle, relation qui eut de grandes et graves répercussions et causa le départ de son premier directeur spirituel ; le Père jésuite António Durão Alves qui la visita par mandat de l’Archevêque de Braga et à qui Alexandrina “laissa une bonne impression” ; le chanoine Manuel Vilar qui, par mandat du Saint-Siège la visita et devint son ami ; le chanoine António Gonçalves Molho de Faria, qui fut président de la Commission d’enquête diocésaine, et qui prononça un avis défavorable (ce prêtre témoigna ensuite, lors du procès canonique diocésain : non seulement reconnut son erreur, mais devint un fervent défenseur d’Alexandrina) ; et pour terminer, Monseigneur Mendes do Carmo qui, par les desseins de la divine Providence, assista à la mort de la bienheureuse enfant de Balasar.

La liste serait longue et peut-être “rébarbative”, s’il fallait ici énumérer tous les prêtres qui fréquentèrent la maison du Calvário[2], à Balasar ; ce ne furent pas seulement des portugais, mais aussi des espagnols, des italiens, des français et d’autres nationalités.

Même si cela peut paraître étrange, je vais m’intéresser plus particulièrement à un prêtre jésuite qui n’est jamais allé à Balasar, parce qu’il n’a jamais voulu y aller, mais qui eut, à cause de son attitude, de ses paroles et de ses écrits, une grande influence, non seulement sur la vie d’Alexandrina, mais aussi et plus particulièrement sur celle du vénéré Père Mariano Pinho, premier directeur spirituel d’Alexandrina, comme il a déjà été dit. Il s’agit du Père Agostinho Pinto Veloso.

Qui était-il ?

« Un journaliste de poigne et de verve camillienne »

Le Père Agostinho.Veloso naquit à Favaios, dans la région de Alijó, le 20 novembre 1894. Il était fils de Benoît Pinto Veloso et d’Amélie Teixeira. Après ses études primaires il commença sa vie sociale comme « employé de commerce à Matosinhos », dans les environs de Porto, avant de “ressentir” la vocation sacerdotale et de commencer ses études au séminaire de Porto, pendant l’année scolaire 1914-1915.

Après avoir suivi les cours de théologie « avec distinction », il reçut le sacrement de l’ordre le 30 juillet 1922.

« Aussitôt après on lui confia la directions interne des officines Saint-Joseph, auxquelles il apporta d’importantes améliorations. Il y resta pendant plus d’un an, en attendant avec une certaine impatience, l’arrivée des nouveaux propriétaires, les membres de la Société de Don Bosco, les salésiens. »

« Ayant été appelé ensuite au ministère paroissial, il fut le pasteur zélé des paroisses de Teixeira et Teixeiró (Baião), Santa Marinha do Zêzere (Baião) et Pedreira (Felgueiras), dans le diocèse de Porto.

Dans la paroisse de Teixeira, abandonnée depuis plus de vingt ans, il restaura l’église paroissiale et mit en œuvre diverses actions de nature religieuse et sociale. Dans celle de Pedreira, il parvint à faire relier, par une nouvelle route, son église paroissiale à la route nationale, ainsi qu’à faire construire une fontaine dans le village.

En même temps qu’il s’occupait de la promotion religieuse, culturelle et sociale de ces populations et devenait un prêcheur demandé, il commença à s’adonner à l’activité littéraire en faisant des traductions ou en adaptant des ouvrages formatifs. Il se lança également dans le journalisme, soutenant, dans les colonnes du journal “Fradique”, de mai à juillet 1935, une longue polémique sur le “Divorce ou adultère” », comme nous le raconte son biographe.

L’“Encyclopédie Verbe” dit que, « pour une plus grande réalisation personnelle et apostolique, le jeune Père Agostinho, entra dans la Compagnie de Jésus le 7 décembre 1937 », commençant son noviciat près de Guimarães, à Santa Marinha da Costa.

Deux années plus tard, le 8 décembre 1939, il fit sa profession  perpétuelle.

Mais le Père Agostinho avait soif de savoir, il désirait connaître davantage, augmenter ses connaissances, ce qui est louable: c’est pourquoi, pendant les « trois années suivantes, 1939-1942, il s’efforça de donner plus d’ampleur aux études supérieures de Philosophie et de Théologie, dans l’Institut Bienheureux Miguel de Carvalho, de Braga, aujourd’hui Faculté pontificale ».

Peut-être parce qu’il jugea insuffisantes les études faites au Portugal, le Père Agostinho Veloso, « pendant l’été 1942, voyagea jusqu’à Salamanque, où il resta jusqu’en juillet 1943, occupé à l’étude des problèmes d’Ascétique et de Mystique, et plus spécialement à l’étude de l’Institut et du Droit de la Compagnie de Jésus et des Exercices Spirituels de Saint Ignace de Loyola ».

J’ai souligné les mots “Ascétique et Mystique”, parce que, plus tard, il me faudra parler de ces matières, quand j’aurai à expliquer  ou essayer d’expliquer  le “jugement” que le Père Veloso porta sur Alexandrina de Balasar.

Il est bon de rappeler, dès maintenant, que dans les Exercices de Saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, il y a un chapitre qui traite du discernement des esprits, chapitre très important, que tous les spécialistes d’Ascétique et de Mystique connaissent.

Mais, revenons à la notice biographique du savant jésuite.

« Après presque six années de formation ascétique et philosophique  explique l’Encyclopédie Verbe il revint dans le champ de l’apostolat, pendant l’été 1943, comme rédacteur de la revue Brotéria, à Lisbonne », « à laquelle il apporta sa précieuse collaboration  affirme une autre source par des essais divers de caractère philosophique, scientifique, philologique et apologétique ».

Dès lors, l’activité littéraire du père Veloso va prendre une autre dimmension et faire connaître « un journaliste de poigne et de verve camillienne »[3], un écrivain prolifique et admiré, en même temps qu’un poète délicat et sensible.

Il écrivit alors pour des journaux et des revues, utilisant parfois les pseudonymes de C. de Turcifal, Carlos Alberto de Lemos, ou Père Anselme, avec lesquels il signa quelques œuvres.

Entre autres publications périodiques, il collabora à Novidades, Diário da Manhã, e Diário Popular, et écrivit pour les revues Messager du sacré-Coeur, Accão Médica et Lumen  Revue de Culture pour le clergé ; pour l’hebdomadaire Fradique, ou il soutint une âpre polémique sur le divorce, comme il fut dit plus haut.

Le texte portugais de cet article énumère ensuite les œuvres de l’abbé Veloso, mais je ne pense pas qu’il soit utile de les citer dans cette traduction, car aucune de ces œuvres n’est connue en France, malgré leur nombre.

Mais le Père Veloso avait encore d’autres activités, celles-ci davantage tournées vers son ministère sacerdotal, comme nous l’explique le chroniqueur de la Compagnie de Jésus :

« Depuis le début de sa carrière sacerdotale il se consacra avec le même succès au ministère de la chaire, parcourant, en de fructueuses missions populaires : triduums, neuvaines, semaines de préparation, non seulement tout le Portugal continental, mais aussi les îles adjacentes  Açores et Madère  ; prêchant également aux prêtres et aux diverses classes sociales, des Exercices spirituels et prononçant de nombreuses et très appréciées causeries et conférences, en divers centres et instituts scientifiques et culturels ».

Plus loin, le même auteur dit encore :

« À partir de 1944 il occupa la chaire de professeur des questions philosophiques à l’Institut du Service Social, à Lisbonne, et depuis 1955 il fit partie du jury pour l’attribution des prix littéraires du S. N. I . »

En résumant ici ce que fut le Père Agostinho Veloso, je termine, en utilisant l’affirmation de l’Encyclopédie Verbe : « Il fut avant tout un autodidacte qui, jusqu’au jour de son décès accidentel  le 22 février 1970 , à Lisbonne, accompagnait de ses critiques personnelles tout ce qu’il lisait. Ouvrier évangélique infatigable, il fut un orateur populaire, un conférencier cultivé, un poète délicat et sensible, polémiste dialectique, essayiste non rarement brillant, et critique d’art parfois peu sensible aux éléments esthétiques : la propagation de la foi, la vérité, la patrie, l’aveuglaient, le rendant parfois rude et même sauvage, lui qui s’attendrissait parfois jusqu’aux larmes ».

Comme sainte Thérèse d’Avila, je pense que lui aussi pouvait s’exclamer :

« Quand j'étais au milieu des vains plaisirs du monde, le souvenir de ce que je devais à Dieu venait répandre l'amertume dans mon âme; et quand j'étais avec Dieu, les affections du monde portaient le trouble dans mon cœur » [4].

Ou encore, du même Docteur de l’Église :

« Je désirais vivre; car je le sentais, ce n'était pas vivre que de me débattre ainsi contre une espèce de mort; mais nul n'était là pour me donner la vie, et il n'était pas en mon pouvoir de la prendre. Celui qui pouvait seul me la donner avait raison de ne pas me secourir; il m'avait tant de fois ramenée à lui, et je l'avais toujours abandonné » [5].

Interrogations

« Mon âme fatiguée aspirait au repos, mais de tristes habitudes ne lui permettaient pas d'en jouir » [6].

La notoriété créée autour de l’être humain est comme un couteau à doubla tranchant : elle peut servir de levier à deux caractéristiques humaines opposées : la vanité  qui est la mère de la superbe et de l’autosatisfaction  ou l’humilité, qui provient du vrai amour.

Les succès obtenus par l’“autodidacte” Père Veloso n’auraient-ils pas suscité chez lui u ne sorte d’“autosatisfaction”, de vanité, d’entêtement et d’égocentrisme ?

N’a-t-il pas oublié ce conseil plein de bon sens que donne sainte Thérèse d’Avila et qu’il avait certainement lu quand il étudia Ascétique et Mystique à Salamanque et qui concerne les dons reçus du Seigneur ?

« C'est là un joyau précieux ; et quand je me souviens que je l'ai reçu de lui et qu'il est en ma possession, un tel souvenir non seulement me convie, mais me force à l'aimer; et cet amour est tout le fruit de l'oraison fondée sur l'humilité. (…) Il est clair que de tels bienfaits leur imposent plus de reconnaissance et de fidélité. » [7].

Ayant un très grand respect et vénération envers les prêtres, il me coûte ici de poser des questions, étant donné qu’en aucune manière je ne veux porter aucun “jugement” sur la manière de procéder de ce valeureux prêtre dont j’ai étudié les textes  vers et prose  lors de mes lointaines années de séminariste, mais je me dois, en tant qu’historien, de rétablir la vérité historique des faits, afin que celle-ci soit sauvegardée. Cette recherche de la vérité ne fait que suivre le bon conseil de saint Ignace de Loyola, à savoir : « Il faut présupposer que tout homme vraiment chrétien doit être plus disposé à justifier une proposition obscure du prochain qu'à la condamner. S'il ne peut la justifier, qu'il sache de lui comment il la comprend ; et s'il la comprend mal, qu'il le corrige avec amour ; et si cela ne suffit pas, qu'il cherche tous les moyens convenables pour le mettre dans la voie de la vérité et du salut » [8].

Interrogé au sujet du Père Agostinho Veloso, le Cardinal Manuel Gonçalves Cerejeira, qui l’a fort bien connu, dit : « Je le trouve trop présomptueux ».

Le même vénéré Cardinal dit encore, sur le même :

« En ce qui concerne le Père Agostinho Veloso, avec lequel j’ai toujours eu de bonnes relations, je le considère comme un homme des extrêmes, dépourvu de jugement serein et équilibré sur les personnes et les choses, et par conséquent hâtif dans ses conclusions »[9].

La question posée plus haut trouve, dans ces phrases autorisées du Cardinal Patriarche, la réponse adéquate.

Mais, pourquoi ces interrogations et ces affirmations sur le Père Agostinho Veloso, peuvent se demander les lecteurs, avec juste raison ?

C’est que le Père Veloso intervint dans la vie d’Alexandrina de Balasar, alors qu’il ne la connaissait même pas, qu’il ne l’a jamais visitée, se basant uniquement sur ce qu’il entendait ici et là, et pire encore, parce qu’il n’aimait pas le Père Mariano Pinho, lui aussi jésuite.

Est-ce parce que celui-ci lui faisait de l’ombre, car il était aussi un bon écrivain, un excellent et renommé orateur et un directeur d’âmes très recherché ?

Était-ce à cause de rivalités au niveau de la direction de la revue Brotéria où tous deux occupèrent des places importantes ― de Directeur pour le Père Pinho et de Rédacteur pour le Père Veloso ?

Sachant que le Père Pinho ne faisait pas partie des amis du Père Veloso, j’ai cherché à en connaître la raison.

A la page 106 de son Cristo Gesù in Alexandrina, le Père Umberto Pasquale qui cherchait la raison pour laquelle le Père Mariano Pinho avait été interdit de visiter et d’avoir quelque contact que ce soit avec Alexandrina et pourquoi les lettres écrites par le Père Mariano avaient été demandées à Alexandrina — comme on peu le lire dans le Journal spirituel de celle-ci —, il trouva la réponse :

« Le Père Pinho, il y a déjà quelque temps, fit une observation à son confrère, le Père Veloso. A cause de cela, celui-ci garda envers lui une aversion sournoise. Un jour, pendant son absence, il est entré dans sa chambre (celle du père Pinho), ouvrit sa correspondance et trouva alors une lettre qui pouvait paraître contenir des informations sentimentales ; il y fit des annotations peu délicates et l’envoya à ses supérieurs. L’accusation eut un triste retentissement, car le Père Pinho fut écarté avec des restrictions dans l’exercice de son ministère ».

La lettre incriminée venait d’une certaine Emma, une personne déséquilibrée.

Dans le même livre, à la page 140, en note de bas de page, l’auteur cite une lettre du Dr. Azevedo datée du 23 août 1943, où il est dit que le Père A. Veloso avait été « interdit de prêcher dans les diocèses de Porto et Lamego ». Seule une grave raison pouvait justifier une telle mesure, qui n’embellit aucunement les qualités de celui qu’elle vise.

Il est sûr et prouvé que le Père Veloso étant l’ennemi du Père Pinho, par ricochet il le fut également  comme nous le verrons bientôt  d’Alexandrina de Balasar, ennemi jusqu’à la mort subite qui le cueillit en pleine rue, à Lisbonne.

Une chose est certaine : cette “rage” était propre au Père Veloso, car le Père Mariano Pinho était incapable de haïr quiconque, même s’il apprenait voir été traité de “taré sexuel” par ladite personne.

Saint Jean ??? de la croix, parlant de certaines âmes  peut-être comme celle du Père Veloso, dit :

« Il y en a qui font pitié à voir, tant elles souffrent et se fatiguent, et qui néanmoins reculent; elles recherchent leur avancement dans ce qui, loin de le procurer, ne peut que l'empêcher » [10].

La grande Thérèse, Docteur de l’Église, affirme elle aussi que si le Seigneur « nous voit mal user de ce trésor, il le reprend; et, nous laissant dans une indigence beaucoup plus grande qu'auparavant, il le donne à des âmes de son choix, qui le feront mieux valoir pour elles-mêmes et pour les autres » [11].

J’arrête ici mes questions, pour le moment, afin de pouvoir aller plus loin et exposer le motif de ces pages.

Motif

« Je suppose qu'il y a en moi trois sortes de pensées : les unes, proprement miennes, naissent de ma volonté et de ma liberté ; les autres viennent du dehors, et ont pour principe le bon ou le mauvais esprit » [12].

Comme il a été dit plus haut, je ne prétends pas juger ici le Père Agostinho Veloso, mais simplement éclaircir, autant que faire se peut, la raison de cette aversion qu’il manifesta envers Alexandrina Maria da Costa, que ce soit par écrit, en paroles ou par le témoignage.

Aussi, comme il a été déjà dit, sachant que le Père Veloso avait une rancœur profonde contre le Père Pinho, il était normal que cette même rancœur se répercutât sur les personnes qui l’entouraient ou qu’il dirigeait.

Il est de notoriété publique que le Père Veloso n’a jamais visité la “ Petite Malade” de Balasar, ni n’a jamais étudié son cas, car il la considérait comme une “illuminée”, une “exaltée”, une simulatrice, une hystérique et, à cause de tout cela, une menteuse.

Comme il a été dit également plus haut, le savant Jésuite, désireux d’acquérir de nouvelles connaissances et peut-être une plus grande notoriété, « pendant l’été 1942, voyagea jusqu’à Salamanque, où il resta jusqu’en juillet 1943, occupé à l’étude des problèmes d’Ascétique et de Mystique ».

« Ce religieux  explique sainte Thérèse d’Avila, parlant d’un prêtre qu’elle connaissait, (…) s'est efforcé d'apprendre par l'étude tout ce qui, en cette matière, peut s'acquérir par cette voie. Il est en effet très savant… » [13]

De Salamanque il revint certainement avec en poche un diplôme de cette vaste et délicate matière qui nécessite, nous devons le savoir, d'être bien assimilée et surtout étudiée et appliquée, ainsi que  de beaucoup d’humilité de la part de celui que l’enseigne et cherche à l’appliquer quand l’occasion se présente.  Le Saint fondateur des Jésuites, au paragraphe cinq des Exercices spirituels précise également:

« Celui qui reçoit les Exercices gagnera beaucoup à y entrer avec un grand courage et une grande libéralité envers son Créateur et Seigneur, lui offrant toute sa volonté et toute sa liberté, afin que sa divine Majesté dispose de sa personne et de tout ce qu'il a selon sa très sainte volonté » [14].

Le biographe dit que le Père Veloso, après son séjour en Espagne, " revint dans le champ de l’apostolat, pendant l’été 1943, comme rédacteur de la revue Brotéria, à Lisbonne ».

Quand il revint à Lisbonne, le Père Pinho n’y était plus, car il avait été sommé, par le Provincial des Jésuites, de ne plus diriger Alexandrina. Cet ordre prit effet le 7 janvier 1942, et le prêtre fut alors envoyé à Vale de Cambra, où il fut professeur. Pour quelqu’un qui avait prêché des retraites pour les Évêques du Portugal, qui avait prêché dans les principales églises du pays, qui avait dirigé la revue Brotéria, fondé la Croisade Eucharistique des enfants, etc., être placé là, dans un village reculé de province portugaise, c’était un dur châtiment. Mais, le Père Pinho ne se plaignit jamais...

On sait également qu’entre 1939 et 1942, le père Agostinho Veloso, « s’efforça de donner plus d’ampleur aux études supérieures de Philosophie et de Théologie, dans l’Institut Bienheureux Miguel de Carvalho, de Braga » et l'on sait également que le Père Pinho, vers le milieu de l’année 1941 et début 1942, s’y trouvait lui aussi.

Nous savons également que beaucoup de personnes,   celles qui connaissent la vie d’Alexandrina de Balasar, bien entendu  que le 29 août 1941, le Père José Alves Terças, de la Congrégation des Missionnaires du Saint-Esprit, assista à la passion vécue par Alexandrina et qu’ensuite il publia le compte-rendu de ce qu’il vit, et entendit, dans le n° 10 de la revue “Vie du Christ, la douloureuse Passion”, volume V, Lisbonne, 1941. Cette publication causa quelques réticences chez certains ecclésiastiques moins bine informés des faits. L’origine de la persécution envers le Père Pinho trouve ici sa source. Bientôt il sera écarté de la direction spirituelle d’Alexandrina  7 janvier 1942  et de direction du Messager de Marie et que, dorénavant il résidera dans le Séminaire de Vale de Cambra.

Après ces incidents (lesquels?) presque rocambolesques, l’illustre Archevêque de Braga, Dom Bento Martins Junior, nomma une Commission composée de trois théologiens, parmi lesquels le chanoine António Gonçalves Molho de Faria, pour étudier le cas de Balasar et s’assurer si oui ou non il y avait là quelque chose de surnaturel.

Ladite Commission “enquêta”, s’informa de ce qui se passait dans la maison du Calvario, mais sans vraiment s’intéresser à celle sur laquelle ils enquêtaient, sans même l’interroger ou alors en la menaçant de représailles, ce qui fut prouvé lors du Procès canonique diocésain en vue de la béatification et canonisation d’Alexandrina.

Mais, qu'est-ce que le Père Agostinho a à voir avec cette Commission ?

Sincèrement, je pense qu’il n’eut rien à voir avec elle, étant donné qu’à cette époque le Père Veloso se trouvait probablement en Espagne, où il étudiait l’Ascétique et la Mystique, à Salamanque.

Ce qui est certain c’est que cette Commission émit, le 16 juillet 1943, une conclusion défavorable, affirmant que dans la petite chambre où demeurait Alexandrina, il n’y avait rien ni de surnaturel ni de miraculeux, ce qui motiva  parce que le Dr. Azevedo s’employa fortement à cela  le départ de la Petite malade de Balasar vers une clinique, près de Porto, à Foz do Douro, où elle resta quarante jours sous étroite surveillance, sous l’œil athée du alors illustre et célèbre spécialiste, le Dr. Gomes de Araujo.

J’ai trouvé dans le témoignage du Dr. Augusto de Azevedo, lors du Procès diocésain, les déclarations qui vont suivre et que je laisse à l’appréciation du lecteur :

« Quelques années auparavant  dit le sympathique Docteur  j’avais rencontré le Père Agostinho Veloso dans la sacristie de l’église de Trofa, en train de causer sur Alexandrina, et il me dit qu’il aimerait la visiter. Je lui répondis que quand il voudrait aller à Balasar, je me ferais un plaisir de l’y conduire en voiture. Il me dit alors que lorsqu’il déciderait d’y aller, il me préviendrait. Peu de temps après j’ai entendu dire qu’il diffamait Alexandrina en disant même que la mère de celle-ci était une femme qui avait des enfants de plusieurs hommes.

Peu de temps après  continue le Docteur Azevedo  j’ai de nouveau rencontré le Père Agostinho Veloso, après qu’Alexandrina ait été internée à Foz do Douro et après le certificat médical délivré par le Dr. Gomes de Araujo. Il parlait alors avec le pharmacien de Cadinhas, en présence de l’épouse de ce dernier et le professeur Roque. J’ai demandé au Père Veloso quand il souhait venir à Balasar visiter Alexandrina. “Ça alors !  s’exclama-t-il  vous annoncez partout qu’elle ne mange pas, mais quant elle est passée à Trofa, elle a mangé chez Mr. Sampaio !”

Voyons, Père Veloso, ne savez-vous pas que nous disons qu’elle ne s’alimente plus depuis 1942 et que ce fut en 1941 que nous sommes passés à Trofa ?

Qu’un autre homme quelconque fasse de telles affirmations, comme celles que vous faites, à l’égard d’Alexandrina c’est une chose, mais que de telles affirmations sur Alexandrina et sur sa mère viennent d’un jésuite, cela est inconcevable. “Voulez-vous dire — me répondit-il — que je suis un jésuite indigne ?”

Le Docteur Augusto de Azevedo

Je lui répondis : “Vues les affirmations qui vous sont attribuées, vous êtes en effet indigne de  porter votre soutane” ».

Ce que nous venons de lire fait partie de la déposition  sous serment  du Dr. Augusto de Azevedo, homme qui n’avait pas de rancœur envers qui que ce soit et qui était toujours prêt à rendre service.

Lors dudit procès diocésain, le Tribunal interrogea 48 témoins. À l’un d’eux, Maria Angelina Marques Ferreira qui connut Alexandrina de 1935 au décès de celle-ci, fut posée cette question :

 « Le Père Veloso nous a dit que “l’on sait qu’elle n’était pas paralysée et que par conséquent elle pouvait, sans aucun miracle, mystifier par ses extases, pendant lesquelles elle imitait les divers passages de la Passion, comme elle mystifiait aussi par la paralysie qui n’a jamais existé” ».

La réponse de Maria Angelina est catégorique :

 « Le père Agostinho Veloso a affirmé une chose qu’il n’a pas vue et qu’il ne pourrait prouver, que si seulement il l’avait vue.

Personne ne m’a jamais dit une chose pareille et j’ai pourtant connu de très nombreuses personnes qui ont connu la Servante de Dieu ».

On lui pose encore une autre question :

— « Comment expliquez-vous, Madame, qu’un prêtre illustre comme lui, ait put faite une telle déclaration ? »

La réponse du témoin me paraît très judicieuse. La voici :

 « A part qu’il s’agisse d’un prêtre, je crois que derrière une telle affirmation du Père Veloso, quelque chose d’autre se cache ».

Moi aussi, je pense que derrière toute la rancœur manifestée par le Père Veloso, quelque chose d’autre se cache, quelque chose d’inavouable, quelque chose qui, restant dans le secret, alimente la suspicion et provoque des conjectures diverses.

Peut-être même que c’est celui-là le vrai motif… D’ailleurs, quelqu’un témoigna lors du même Procès que le Père Agostinho Veloso accusait le Père Pinho… pour se défendre (voir plus loin). Et il vaut mieux ne pas transcrire ici une accusation enregistrée dans le même Procès, lors de la déposition du Père Dr. Sebastião Cruz, secrétaire de l’archevêque de Braga…

Le Père Agostinho Veloso oublia, malheureusement, les enseignements de son Saint fondateur, qui est pourtant bien clair :

« Gardez-vous des critiques violentes et des murmures. Manifester un péché mortel qui n'est pas encore public, c'est un péché mortel ; si le péché que vous révélez est véniel, vous commettez un péché véniel ; et si vous parlez des défauts d'autrui, vous découvrez votre propre défaut » [15].

Le journaliste

« Tandis que les mondains vivent sans crainte au milieu des lions impatients de les déchirer, je veux dire au milieu de ce que le monde appelle honneurs, plaisirs et délices, le démon nous fait peur avec des moucherons » [16].

Le « journaliste de poigne et de verve camillienne » va, plus tard  en janvier 1947  publier, dans la revue Brotéria, un long article sur “Mystique et journalisme”, où il argumente sur la “psychose du merveilleux”, où il aborde les “cas typiques” de cette même “psychose”.

Dans cet article le Père Veloso pointe Balasar, sans toutefois nommer expressément Alexandrina, affirmant que « ces cas, toutefois, deviennent connus, non point parce qu’ils vaillent plus que d’autres, mais parce que la presse périodique, les prenant à son compte, leur donne, avec ou sans raison, une notoriété que, sans cela, ils n'auraient jamais eue… »

Peut-être que le Père Veloso avait raison quand il accusait la presse périodique de donner à ces cas “une notoriété… avec ou sans raison…” Mais, lui-même utilisait le même système et profitait du fait que la presse périodique “prenait à son compte” lesdits faits; en effet, cela lui donnait une occasion supplémentaire d'exposer sa propre pensée, sa propre critique sur les faits incriminés, faits qu’il semble mal connaître, courant par là même le risque de se tromper et de provoquer, pour ces mêmes “cas”, des réactions irréversibles, étant donné sa propre notoriété.

Dans ce même article il n’est fait aucune référence au discernement des esprits, ce qui est étrange, surtout s’agissant d’un jésuite, un “connaisseur” et conférencier des Exercices de saint Ignace de Loyola. Dans son argumentation on ne trouve pas non plus la moindre référence aux “spécialistes confirmés”, que dis-je, aux “Docteurs” que sont sante Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix, entre autres.

Le diplômé en Ascétique et Mystique n’a pas cure des règles utilisées par le Directeurs spirituels quant au discernement des charismes dont bénéficient les âmes par eux dirigées ; le Père Veloso se limite à peine à citer des cas, sans vraiment les approfondir, ou quand il les approfondit, il le fait en se servant des textes “autorisés”, comme ceux de Frei Luis de Sousa, comme s’il ne se sentait pas capable de discourir sur le sujet que, sans aucun doute, il avait étudié à Salamanque.

Il est logique de croire que, pendant son séjour dans cette ville, il avait étudié les textes de sainte Thérèse d’Avila, de saint Jean de la Croix et de saint Alphonse Rodriguez, ainsi que, très probablement ce qu’avait écrit le Père Louis de Grenade qui, ayant commis une erreur en ce qui concerne la religieuse de Lisbonne, n’en est pas moins un très bon, pour ne pas dire excellent auteur mystique.

« La psychose du merveilleux vient de loin. C’est une tentation plus au moins cyclique, surtout pendant les temps anormaux », commençait par dire le Père Veloso, au commencement de son article.

Cette affirmation est gratuite et erronée, car la “psychose du merveilleux”, comme il écrit, n’est pas le fruit de certaines époques: cette “psychose” est permanente, sauf qu’elle est plus ou moins “plébiscitée”, selon le courant spirituel du moment où les faits ont lieu. Je m’explique :

Au XVIIe siècle, par exemple, tout de suite après le Concile de Trente, le nombre de Saints et de Bienheureux est tout à fait extraordinaire, tout comme fut extraordinaire le nombre de voyants  certains furent même très influents sur ceux que l’Église a mis au nombre des Saints[17]  raison pour laquelle certains appellent cette période “la voie lactée”.

Le XVIIIe siècle aura-t-il été moins fertile en sainteté, moins fertile en mystiques ? Certes non, mais la période historique était différente : la Contre-réforme avait été faite et beaucoup de ceux qui bénéficièrent de charismes, sont restés dans le silence de leurs chambres ou de leurs cellules, ce qui n’a pas empêché que beaucoup, parmi eux, soient béatifiés et canonisés et que leurs écrits aient encore cours de nos jours : il suffira de nommer ici saint Louis-Marie Grignion de Montfort, entre autres, qui, tout en ne restant pas cloîtré ni dans sa chambre ni dans sa cellule ; vécut en ce siècle.

Ce même siècle donna à l’Église un nombre incalculable de martyrs, non pas seulement ceux qui furent martyrisés en Chine ou au Japon, mais aussi et surtout ceux qui périrent pendant la Révolution française.

Pour expliquer ladite “psychose”, le Père Agostinho Veloso écrit, dans ce même article : « Rien que dans les dernières années, je me souviens des cas typiques de Barral, de la Mère Virgínia (à Funchal, île de Madère), et des visionnaires de Lamego, de Covilhã, de Vergada, de Pereira de Avidagos, de Balasar... », donc du cas d’Alexandrina, qui nous intéresse et qui fait partie de cet ensemble auquel « la presse périodique, les prenant à son compte, leur donne, avec ou sans raison, une notoriété que, sans cela, ils n’auraient jamais eue… »

Avant de parler du cas d’Alexandrina, il est bon d’éclaircir ceci : la cause de Mère Virginie de la Passion, de Funchal, dans l’île de Madère, est en cours à Rome, après avoir reçu le Nihil obstat de la Conférence Épiscopale Portugaise.

Les cas de Catherine Emmerich et de Thérèse Neumann  le Père Veloso y fait allusion  méritent aussi une explication :

Catherine Emmerich, comme tous le savent, est maintenant bienheureuse et la cause de la Servante de Dieu Thérèse Neumann suit son cours à Rome et tout porte à croire que dans un proche avenir elle sera également comptée au nombre des bienheureuses.


[1] Alexandrina Maria da Costa: “Autobiographie”.

[2] Le mot, signifie Calvaire et il s’agit d’un lieu-dit faisant partie de la paroisse de Balasar, tout près de l’église, sur une butte.

[3] Cette “verve camillienne” fait référence à l’un des plus populaires romanciers portugais du XIXe siècle, Camilo Castelo Branco, très prolifique, lui aussi et qui fut l’auteur de plus de deux cents romans, sans parler des nouvelles et autres écrits.

[4] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 8,2.

[5] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 8,12.

[6] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 9,1.

[7] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 10,6.

[8] Saint Ignace de Loyola: “Exercices spirituels”, Seconde partie, 22.

[9] Déposition, sous serment, du Cardinal Manuel Cerejeira, lors du procès diocésain en vue de la béatification d’Alexandrina Maria da Costa.

[10] S. Jean de la Croix, “Montée du Carmel”, Prologue, 7.

[11] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 10,6.

[12] Santo Inácio de Loyola: “Exercícios espirituais”; segunda parte, 32.

[13] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 34,13.

[14] Saint Ignace de Loyola : “Exercices spirituels”, Première partie, 5.

[15] Saint Ignace de Loyola : “Exercices spirituels”, Première semaine, 41.

[16] Sainte Thérèse d’Avila : “Vie”, chap. 35, 15.

[17] Exemple : Gaston de Renty, Marie des Vallées, Marie de Valence, Armelle Nicolas, Pierre de Kériolet, etc.